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Le décès de l’associé et la continuation de la société en présence d’héritiers mineurs

Le décès d’un associé pose la problématique essentielle de la poursuite de la gestion de la société. La pérennisation de l’entreprise exige souvent une transmission rapide des commandes, transmission qui peut se trouver ralentie en présence de seuls héritiers mineurs. 

L’article 1870 du Code civil prévoit que la société n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires. Ainsi, en cas de décès d’un associé laissant des héritiers mineurs, et si le contrat de société a prévu la continuation de la société avec les héritiers de l’associé décédé, la clause du pacte social produit en principe effet malgré la minorité des héritiers.

Avant d’envisager la nécessité ou non d’un agrément, conformément aux dispositions statutaires, l’héritier mineur doit au préalable exercer l’option successorale. 

  • L’exercice de l’option successorale par l’héritier mineur

L’exercice de l’option successorale accordée par la loi (C. civ., art. 768) nécessite d’être pleinement capable de s’obliger. Le représentant légal du mineur a donc seul qualité pour exercer en son nom cette option. L’administrateur légal ne peut accepter une succession échue au mineur qu’à concurrence de l’actif net. Il en va de même pour l’acceptation d’un legs universel ou à titre universel. S’il entend accepter la succession purement et simplement, il lui faut solliciter l’autorisation du juge des tutelles (C. civ., art. 387-1, 5°) ; tel est également le cas pour l’acceptation pure et simple d’un legs universel ou à titre universel. 

En matière successorale, l’administrateur légal d’un mineur peut, sur sa seule initiative, faire dresser l’inventaire des biens échus au mineur. Il peut ne outre signer l’acte de notoriété (C. civ., art. 730-1), la déclaration de succession et l’attestation de propriété.

Il convient de toujours vérifier une absence d’opposition d’intérêts entre le mineur et son représentant légal, auquel cas un administrateur ad hoc doit être nommé par le juge des tutelles.

Lorsqu’il n’y a pas d’opposition d’intérêts, le représentant légal assure la représentation du mineur associé et, à ce titre, participe à la continuation de la société. 

Son mandat s’exerce suivant les actes qu’il peut accomplir seul (actes d’administration) et ceux soumis à autorisation du juge des tutelles. 

Par exemple, le droit de vote étant analysé comme un acte d’administration (sauf pour certaines décisions) et étant attaché à la qualité d’associé, le mineur non émancipé vote par l’intermédiaire de son administrateur légal. Tel est également le cas, sauf circonstances particulières, des actes de gestion d’un portefeuille, y compris les cessions de titres à condition qu’elles soient suivies de leur remplacement (quasi-usufruit) ; les demandes d’attribution, de regroupement ou d’échanges de titres ; la vente des droits ou des titres formant rompus ; la souscription à une augmentation de capital.

Il convient de préciser que la situation des administrateurs légaux apparaît moins contraignante que celle d’un tuteur aux mineurs dont les pouvoirs relèvent des dispositions plus strictes du titre XII du livre Ier du Code civil.

Une fois l’option successorale exercée, l’hériter mineur devient associé sous quelques réserves. 

  • La présence d’une clause d’agrément 

Les statuts peuvent prévoir que les associés recueillant les parts de l’associé décédé devront être agréés par les associés restant. Cet agrément permet aux associés de conserver le contrôle de la société. Il permet non seulement de filtrer l’entrée d’associés potentiels au sein de la société, mais aussi d’assurer la stabilité de l’actionnariat, but recherché par les héritiers au moment de la reprise de la société familiale. Les statuts peuvent ainsi prévoir le délai pendant lequel les héritiers peuvent faire connaître à la société leur intention de devenir associés. Il est souvent recommandé que l’héritier devra être agréé à l’unanimité, afin de préserver le caractère personnel de la société. L’agrément est requis pour chacun des héritiers, et il est loisible aux associés de n’agréer que l’un ou certains des héritiers. 

Tant que la procédure d’agrément n’a pas abouti à une décision de la part des associés, tous les héritiers participent aux décisions collectives en se faisant représenter par un mandataire. À défaut d’avoir prévu la désignation d’un tel mandataire, si une décision collective urgente doit être prise, il pourra être demandé au juge des référés de désigner un administrateur provisoire chargé de voter avec lesdites parts. Il pourra ainsi être judicieux de prévoir dans les statuts que les parts sociales resteront indivises et que les copropriétaires indivis devront se faire représenter par un mandataire commun choisi parmi les survivants.

A peine de nullité de la clause, les délais accordés à la société pour statuer sur l’agrément ne peuvent être plus de trois mois à compter de la notification. Passé ce délai et en l’absence de toute décision, l’agrément est réputé acquis. L’intégration des héritiers dans la société sera formalisée à l’occasion de la tenue d’une assemblée générale. 

  • La nécessité d’une transformation de la société

Certaines sociétés doivent impérativement se transformer après le décès d’un associé. Cela permet de garantir leur survie car un mineur ne peut par exemple pas faire partie d’une société dont les membres sont commerçants. Il ne peut appartenir à une société en nom collectif pour laquelle l’article L. 221-1 du Code de commerce dispose que les associés ont tous la qualité de commerçant, ni être commandité d’une société en commandite (simple ou par actions) auquel l’article L. 222-1 du même code confère le statut d’associé en nom collectif.

Le mineur peut recevoir par succession des droits sociaux d’une société en nom collectif lorsqu’une clause statutaire prévoit la continuation de la société avec les héritiers du défunt. Mais puisqu’il n’est pas commerçant, même s’il est émancipé, la situation doit être régularisée dans les plus brefs délais. L’article L. 221-15, dernier alinéa du Code de commerce prescrit soit la transformation du groupement en société en commandite dont le mineur serait commanditaire, soit sa dissolution, dans l’année qui suit le décès.

Pareillement, l’héritier mineur d’un associé commandité ne peut succéder à son auteur au sein de la société. L’article L. 222-10, alinéa 2 du Code de commerce lui donne la possibilité d’y occuper la place de commanditaire non commerçant. Dans l’hypothèse où l’associé décédé serait le seul commandité, la situation doit être régularisée dans le délai d’un an, soit par l’entrée d’un associé capable dans la société, soit par la transformation ou la dissolution de celle-ci.

  • La possible continuation de la société avec un tiers déterminé

L’associé peut prendre des dispositions en amont afin d’éviter à ses coassociés les difficultés liées à la présence d’héritiers mineurs après son décès. 

Il peut ainsi rédiger, entre autres, un testament aux termes duquel il pourrait prévoir un legs de l’entreprise à charge que cette dernière soit gérée, pendant toute la minorité de ses enfants, par un tiers de confiance.

L’article 389-3, alinéa 3 du Code civil dispose : « Ne sont pas soumis à l’administration légale, les biens qui auraient été donnés ou légués au mineur sous la condition qu’ils seraient administrés par un tiers. Ce tiers administrateur aura les pouvoirs qui lui auront été conférés par la donation ou le testament ; à défaut, ceux d’un administrateur légal sous contrôle judiciaire ».

La loi s’en remettant au disposant pour déterminer les pouvoirs de l’administrateur et ne fixant aucune limite à ces pouvoirs, le donateur peut étendre leurs pouvoirs mais aussi les restreindre ou les subordonner à une garantie.

Toutefois, la doctrine majoritaire considère que les biens légués sous la condition qu’ils soient administrés par un tiers désigné ne doivent pas dépasser la réserve héréditaire. D’où une préférence dans la pratique pour le mandat à effet posthume. 

Le mandat à effet posthume (articles 812 à 812-7 du Code civil) permet à l’associé ou au dirigeant de missionner, de son vivant, une personne de confiance chargée d’administrer ou de gérer, à son décès, l’entreprise comprise dans la succession pendant une durée maximale de cinq ans. 

Le mandat posthume doit être donné et accepté en la forme authentique. Le recours à un rédacteur professionnel peut s’avérer d’autant plus nécessaire que le contrat doit précisément motiver l’intérêt légitime et sérieux justifiant la désignation d’un mandataire, à peine de nullité.

L’associé peut enfin anticiper la gestion de ces difficultés en faisant rédiger un pacte d’associés ou un pacte d’actionnaires. 

Le Cabinet DGP AVOCATS se tient à votre disposition pour vous accompagner sur toutes les problématiques relatives à l’organisation et à la gestion de votre succession.